Ceux de Bernardin de Saint-Pierre? Car si je nai pas lu ma vie, jai lu la leur. Ils ne sont donc pas plus morts que nous? dans la crainte de troubler son sommeil. Je maperçus dès le point du Jai tout dabord été prise de pitié pour ce jeune homme victime de son amour aveugle pour une fille de petite vertu qui se laisse acheter ses faveurs pourvu quelle obtienne argent et bijoux en échange. Et puis tout dun coup, jai vu le chevalier sous un autre jour. Layant pris dabord pour le dindon de la farce, je me suis aperçue que lui-même préférait vivre une vie de vices avec sa bien-aimée plutôt que la vie vertueuse à laquelle son rang le prédestinait. Envoûté, des Grieux lui pardonne et quitte immédiatement le séminaire. Après une nuit à lauberge, les deux amants, plus que jamais amoureux lun de lautre, sinstallent au village de Chaillot. Manon à lOpéra Comique : lhéroïne de Massenet rentre enfin à la maison 77Une fois encore, lépisode développé sur deux pages pour donner lieu surtout à des réflexions sur le commerce et le traitement réservé aux débiteurs en France et en Angleterre, mais aussi à nouveau sur les Provençaux demeure sans effets sur la suite, si ce nest quil dérange le projet de faire le tour de la méditerranée en obligeant Des Grieux à revenir à Paris et même dans sa province, pour rétablir lordre de ses correspondances pécuniaires. Manon éconduit le Prince italien Manon Lescaut, 1753-Pasquier
quil en fallait pour le triste office que jallais exécuter. Il ne
Prévost a quitté Le Havre avant le départ du vaisseau qui devait nous emmener, presque immédiatement après le récit que je lui avais fait, et il a pu croire que nous étions partis et perdus pour le monde. Le fait est que je le croyais aussi. Heureusement ma lettre à Tiberge avait fait son effet. Ce fidèle ami alla trouver mon père, pria, supplia, obtint, partit à franc étrier et nous apporta, deux heures avant quon levât lancre, à moi le pardon de mon père, à Manon sa grâce. Nous étions déjà sur le bâtiment P. 36 Lart de la préface au siècle des Lumières-Préfaces, éditeurs et instances énonciatives dans La Vie de Marianne et dans Manon Lescaut-Presses universitaires de Rennes
On remarque cependant quil y a une sorte de manipulation de la part de Manon qui, ayant remarqué que Des Grieux était complètement sous son charme, sait quelle ne va pas aller au couvent. Elle lui fait comprendre implicitement quil doit faire quelque chose pour elle : elle me dit quelle ne prévoyait que trop quelle allait être malheureuse, cétait la volonté du Ciel, il ne lui laissait nul moyen de léviter. La mention de la douceur de ses regards, d un air charmant de tristesse, voire la précision après un moment de silence suggèrent une sorte de mise en scène de la part de Manon, consciente de leffet quelle produit sur le chevalier. Au fur et à mesure de la conversation, elle lui fait part de sa volonté de senfuir : s i je voyais quelque jour à la pouvoir mettre en liberté, elle croirait mêtre redevable de quelque chose de plus cher que la vie. On remarque lhyperbole qui permet à des Grieux de tout espérer. Quelques années plus tard, il retourne en Angleterre très endetté. Il fonde le Pour et le contre, journal principalement consacré à la culture anglaise quil continuera déditer jusquen 1740. Enflammé tout dun coup jusquau transport. Javais le défaut dêtre 146Si Synnelet demeure en 1847 invariablement respectueux et dissimulé tout à la fois, la première vraie interpolation porte cependant sur ses insinuations, qui visent à persuader Manon du crime de son amant. Le texte de 1762 imputait au chevalier la responsabilité de lensevelissement, comme on la vu : et sympathise avec le capitaine à qui il raconte ses malheurs. En Quelles sont les caractéristiques de cette scène de rencontre? Annonce du plan prêtre? Mais il est vrai aussi que des Grieux est lhomme des contradictions.. Insiste sur la rapidité et lenchaînement des actions personnage énergique, audacieux, hardi. Suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle Il a pourtant tout essayé pour la libérer, mais en vain : Il a tout dabord tenté dattaquer lescorte à quelques lieues de Paris avec laide de quatre hommes, moyennant une bourse. Mais les gaillards lont laissé seul, emportant largent. Il a ensuite proposé aux archers de les suivre en se proposant de les récompenser. Ce quils ont accepté. Ils lui ont permis de parler à la jeune femme mais ont exigé dêtre payés à chaque fois. Il na maintenant plus dargent. Attendri par la détresse du jeune homme, lallure et la beauté de la jeune femme, l homme de qualité donne quatre louis dor au jeune homme démuni et négocie avec le chef de lescorte pour quil puisse continuer à dialoguer avec sa maîtresse. 6On doit la seconde en date de ces continuations à Alexandre Dumas fils, qui ne sest donc pas contenté doffrir à Manon une seconde vie sous les traits de Marguerite Gautier dans La Dame aux Camélias 1848 : trois ans plus tard, il publia en feuilleton dans Le Pays 2, et en volume séparé sous le titre Les Revenants 3, une suite des aventures de Manon, reprise avec quelques modifications sous le titre Le Régent Mustel 4. Elle vaut à Manon et Des Grieux une rencontre décisive : celle de Paul et de Virginie, dûment mariés, vivant en Allemagne non loin du couple adultérin formé par Charlotte et Werther. Javais marqué le temps de mon départ dAmiens. Hélas! que ne le marquais-je un jour plus tôt! jaurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui sappelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche dArras, et nous le suivîmes jusquà lhôtellerie où ces voitures descendent. Nous navions pas dautre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui sarrêta seule dans la cour pendant quun homme dun âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur sempressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui navais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu dattention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout dun coup jusquau transport. Javais le défaut dêtre excessivement timide et facile à déconcerter; mais loin dêtre arrêté alors par cette faiblesse, je mavançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiquelle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui lamenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument quelle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. Lamour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment quil était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai dune manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. Cétait malgré elle quon lenvoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir qui sétait déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer Elle naffecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, quelle ne prévoyait que trop quelle allait être malheureuse, mais que cétait apparemment la volonté du Ciel, puisquil ne lui laissait nul moyen de léviter La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, lascendant de ma destinée qui mentraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je lassurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie quelle minspirait déjà, jemploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, doù me venait alors tant de hardiesse et de facilité à mexprimer; mais on ne ferait pas une divinité de lamour, sil nopérait souvent des prodiges. Jajoutai mille choses pressantes. Ma belle inconnue savait bien quon nest point trompeur à mon âge; elle me confessa que, si je voyais quelque jour à la pouvoir mettre en liberté, elle croirait mêtre redevable de quelque chose de plus cher que la vie. Je lui répétai que jétais prêt à tout entreprendre, mais, nayant point assez dexpérience pour imaginer tout dun coup les moyens de la servir je men tenais à cette assurance générale, qui ne pouvait être dun grand secours pour elle et pour moi. Son vieil Argus étant venu nous rejoindre, mes espérances allaient échouer si elle neût eu assez desprit pour suppléer à la stérilité du mien. Je fus surpris, à larrivée de son conducteur quelle mappelât son cousin et que, sans paraître déconcertée le moins du monde, elle me dît que, puisquelle était assez heureuse pour me rencontrer à Amiens, elle remettait au lendemain son entrée dans le couvent, afin de se procurer le plaisir de souper avec moi. Jentrai fort bien dans le sens de cette ruse. Je lui proposai de se loger dans une hôtellerie, dont le maître, qui sétait établi à Amiens, après avoir été longtemps cocher de mon père, était dévoué entièrement à mes ordres. Je ly conduisis moi-même, tandis que le vieux conducteur paraissait un peu murmurer et que mon ami Tiberge, qui ne comprenait rien à cette scène, me suivait sans prononcer une parole. Il navait point entendu notre entretien. Il était demeuré à se promener dans la cour pendant que je parlais damour à ma belle maîtresse. Comme je redoutais sa sagesse, je me défis de lui par une commission dont je le priai de se charger Ainsi jeus le plaisir, en arrivant à lauberge, dentretenir seul la souveraine de mon cœur. Je reconnus bientôt que jétais moins enfant que je ne le croyais. Mon cœur souvrit à mille sentiments de plaisir dont je navais jamais eu lidée. Une douce chaleur se répandit dans toutes mes veines. Jétais dans une espèce de transport, qui môta pour quelque temps, la liberté de la voix et qui ne sexprimait que par mes yeux. Mademoiselle Manon Lescaut, cest ainsi quelle me dit quon la nommait, parut fort satisfaite de cet effet de ses charmes. Je crus apercevoir quelle nétait pas moins émue que moi. Elle me confessa quelle me trouvait aimable et quelle serait ravie de mavoir obligation de sa liberté. Elle voulut savoir qui jétais, et cette connaissance augmenta son affection, parce quétant dune naissance commune, elle se trouva flattée davoir fait la conquête dun amant tel que moi. Nous nous entretînmes des moyens dêtre lun à lautre. Après, quantité de réflexions, nous ne trouvâmes point dautre voie que celle de la fuite. Il fallait tromper la vigilance du conducteur, qui était un homme à ménager quoiquil ne fût quun domestique. Nous réglâmes que je ferais préparer pendant la nuit une chaise de poste, et que je reviendrais de grand matin à lauberge avant quil fût éveillé; que nous nous déroberions secrètement, et que nous irions droit à Paris, où nous nous ferions marier en arrivant. Javais environ cinquante écus, qui étaient le fruit de mes petites épargnes; elle en avait à peu près le double. Nous nous imaginâmes, comme des enfants sans expérience, que cette somme ne finirait jamais, et nous ne comptâmes pas moins sur le succès de nos autres mesures. Le centre dintérêt nest pas Manon mais son amant, conformément au titre Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, un libertin mais pas un honnête homme.